Contention, apaisement, Shibari et shiatsu
Les pédiatres et les sages-femmes savent que les nouveau-nés emmaillotés et immobilisés par un lange s’agitent moins que les autres. Et même, parfois soumis à de douloureuses coliques, se calment et s’apaisent plus vite lorsqu’on les entoure dans une couverture de contention.
De même manière, la camisole de force, autrefois à l’honneur dans les hôpitaux psychiatriques (et aujourd’hui remplacée par la camisole chimique) avait aussi le mystérieux effet d’apaiser l’agitation et calmer la souffrance des forcenés les plus incontrôlables. Mais ne peut-on imaginer que cette entrave aux mouvements et à la respiration agissent comme des exercices de contrôle de la respiration (ou de cohérence cardiaque) ?
La vertu sédative et apaisante des liens matériels (camisole, cordes, sangles, bandages) qui entravent les mouvements est également bien connue des adeptes du shibari japonais.
Shibari ou kinbaku, un art ancestral
Le shibari ou le kinbaku est un art ancestral japonais qui consiste à immobiliser et suspendre des personnes à l’aide de liens. Le shibari est considéré au Japon comme une pratique acétique (de mortification) à la fois artistique et spirituelle dans laquelle le sujet qui se soumet à la volonté de son maître (nawashi) est mentalement élevé, pénétré, purifié et façonné par l’énergie et la force de son maître. Le sujet connait à la fois l’apaisement que peut conférer l’action mécanique de la contention, comme indiqué ci-dessus, et l’allégeance à une force supérieure, bienveillante et protectrice, comme souvent dans les rapports de soumission plus profanes, mais avec l’attente rédemptrice qui lui confère sa dimension spirituelle. Le sujet qui s’offre au shibari japonais est traditionnellement une jeune femme en quête d’apaisement et le maître nawashi un sage souvent âgé. Mais dans une société moderne moins patriarcale, on peut tout à fait imaginer une inversion des rôles !
Les appuis opérés par les liens favorisent en outre une action sur la circulation des énergies (comme dans le shiatsu) et la tuméfaction ou la turgescence de certains tissus dont l’irrigation sanguine est modifiée ; ce qui crée une hypersensibilité locale, par exemple des zones érogènes, lorsque le shibari a une dimension érotique.
Shibari et bondage
Cette fréquente dimension érotique du shibari donne lieu aujourd’hui (dans un registre profane) à des déclinaisons, moins traditionnelles, moins hétéronormées et moins patriarcales, des pratiques qu’englobe le terme de bondage.
En occident le shibari, par assimilation à la pratique occidentale du bondage, est ainsi souvent considérée comme un banal fétichisme, mais cette vision est tristement réductrice. Apparenté, à l’origine, aux arts martiaux, le shibari ou kinbaku est initialement une méthode de torture dont les techniques diffèrent selon le rang du sujet et le caractère consentant ou non du châtiment subi. Le fait de lier (shibari) exige une pratique sereine, progressive et complexe dont la lenteur permet au ligotage d’induire son plein effet. Progressif veut dire qu’il est possible de commencer en n’importe quel endroit du corps (poitrine, cuisses ou ventre) pour gagner peu à peu d’autres points et finir, éventuellement par une immobilisation complète dans une position donnée par exemple la position en croix du ligoté connue sous le nom de hog tie.
Engourdissement et hyperexcitabilité épidermique
Les positions de hog-tie ou de ball-tie sont par essence inconfortables. La personne attachée se trouve dans une position où tout mouvement est impossible. Elle peut uniquement et difficilement se déplacer sur le côté. Cette position a l’avantage de donner au sujet de fortes sensations physiques, jusqu’à un engourdissement parfois jubilatoire. Si les cordes (ou sangles) ont été bien placées, la position de hog-tie ou de ball-tie peut être maintenue longtemps ; c’est à dire de permettre au sujet un lâcher-prise de son hémisphère cérébral gauche qui peut durer plus longtemps que nombre de pratiques visant à un ancrage dans le concret des sensations physiques du cerveau droit (comme par ex. yoga, sports intenses, méditation etc.). Le ligotage peut en effet durer des heures chez certains sujets, sans danger pour le sujet, si le maître est un véritable nawashi.
Shibari, esthétisme et tradition
Le shibari japonais diffère également du bondage occidental par le fait qu’au lieu de simplement immobiliser le sujet ou de pratiquer sur lui certaines contraintes, les techniques de shibari ajoutent à cette notion de base un point de vue esthétique et une stimulation des centres d’énergie en des points précis du corps (shiatsu). La personne soumise prend du plaisir par la tension de la corde qui lui écrase ou meurtrit, par exemple les seins ou les parties génitales. L’intensité des sensations procurées au sujet ligoté est fonction de sa position.
Les techniques du bondage « traditionnel » japonais utilisaient des cordages rugueux de 10 à 15 mètres de longueur. Mais il est long et difficile de manipuler de telles cordes. Aussi, aujourd’hui les puristes utilisent encore des cordes de 8 mètres. Parfois de plus petites encore pour traiter certaines zones… Cependant, des résultats honorables sont obtenus avec des sangles réglables qui permettent de modifier telle ou telle portions du ligotage sans être obligé de le défaire dans son entier ou d’ajuster la tension d’un lien sans toucher à celle des autres. Les sangles sont cependant lisses et n’apportent pas la sensation de rugosité, voire d’abrasion, parfois recherchée. Les liens auront un appui assez large afin de ne pas pénétrer trop profondément la peau, tout en la marquant suffisamment.
Le kinbaku traditionnel est fondé sur des motifs obtenus à l’aide de liens et dont la plupart trouvent leur origine dans l’hojōjutsu. Parmi les différentes façons de lier, l’ushiro takatekote, le bondage de base, consiste à lier les bras contre la poitrine tout en liant les mains derrière le dos. L’ensemble décrit une figure en forme de « U ». C’est la figure la plus importante et la plus fréquemment employée. Une autre façon de faire est l’ebi, destinée à rendre l’aspect de la personne ainsi liée plus vulnérable et plus soumise.
Le shibari peut enfin s’inscrire dans une recherche hédoniste d’une souffrance consentie, esthétique et érotisée ou dans la recherche de ses propres limites (cf. Zone de confort, transgression et liberté) et dans le vertige de la soumission (cf. Jeux de rôle : que faut-il entendre par domination et soumission ?).
Peut-on parler d’un shibari thérapeutique ?
Mais le shibari ne peut-il également être mis en œuvre – avec toutes les précautions d’usage et dans un cadre sécurisé – à des fins thérapeutiques, lorsque le lâcher-prise de certains sujets parait impossible ? Tel peut être le cas chez des sujets, ancrés dans un cerveau gauche enfiévré par une pensée en arborescence inépuisable ou des obsessions, stress ou angoisses incessants, dont il ne parviennent pas, de jour comme de nuit à ralentir le manège. La résistance du corps aux thérapies variées, en particulier psychocorporelles et aux sensations bienveillantes de l’haptonomie peut en effet parfois céder plus facilement aux sensations brutes, voire abrasive de la corde et plus encore à la douleur, si bien sûr celle-ci est consentie de manière éclairée et explicite.
Mais, quoi qu’il en soit, le shibari et les différentes techniques de bondage ne doivent être pratiquées – dans un cadre thérapeutique comme profane – qu’entre adultes éclairés quant à leurs dangers, leurs modes d’actions, leurs effets et surtout dans un cadre clair et explicite et sur des personnes ayant exprimé un consentement éclairé et disposant à tout instant de la possibilité de mettre fin à la séance.
Qu’est-ce que la spanking therapy ?
Ce terme, généralement employé de manière plaisante, ne désigne pas véritablement une pratique thérapeutique institutionnelle.
Littéralement, spanking signifie fessée, mais plus largement, ce terme désigne souvent des jeux érotiques, tels que le BDSM (bondage, sado-maso) pratiqués dans un cadre hédoniste. Ces pratiques visent à obtenir un lâcher-prise radical et une jouissance intense, là où d’autres techniques plus soft (sports extrêmes, sports de combat, yoga, danse etc.) seraient moins efficaces ou moins rapides pour faire lâcher le mental (cerveau gauche).
Dans certains milieux underground ou libertins le terme spanking therapy est employé de manière plaisante pour définir l’effet apaisant des pratiques BDSM (et notamment la fessée ou le fouet) sur le mental de certains sujets. Ces sujets sont accros aux jeux de soumission et à une souffrance contrôlée qui les placent dans un état de dépendance et d’insécurité qui les ancre dans le présent, suspendus à ce qui se passe dans l’ici et maintenant.
Si l’on se rappelle ce que représente la pyramide de Maslow, on voit bien que la femme ou l’homme occidentaux modernes sont, à de rares exceptions près, dans une configuration qui les éloigne au quotidien de véritables craintes de ne pas satisfaire les primaires et élémentaires besoins de leur corps. Ainsi, pour retrouver leur élan de vie, certains n’hésitent pas à se prêter à ces pratiques qui les ancrent dans leur chair et dans le ressenti de leur cerveau droit. Ils s’éloignent alors – parfois pour de longues séquences – du stress, des spéculations épuisantes et des injonctions sociétales diverses que ressasse ou mouline leur cerveau gauche. Ils régressent de manière jubilatoire dans leur animalité de bêtes traquées et vulnérables.
On peut également éclairer ces pratiques de la lecture (ou relecture) du Manuel d’Epictète et de la pensée stoïcienne qui affirme que la souffrance n’est qu’une tension qu’on refuse, une tension contre laquelle on s’insurge… alors que si on fait l’effort mental (considérable pour les non-initiés) d’accueillir ces tensions en pleine conscience, la douleur se transforme en lâcher-prise et en jouissance suprême…
Enfin, on ne peut ignorer qu’en cas de burn-out, par exemple ; c’est-à-dire lorsque le mental (cerveau analytique ou “gauche”) est hors d’atteinte, il n’y a plus guère de “connexion” possible au patient, si ce n’est au travers du registre “émotionnel” (cerveau analogique ou “droit”).
C’est le cas pour les personnes souffrant, par exemple, de TCA ou surtout de burnout ; celles-là mêmes qui, par leur attitude, semblent dire au thérapeute : « Parle à mon “corps”, ma tête est malade ».
Ces patients sont en effet peu accessibles aux “mots” qui semblent n’avoir plus de sens pour eux ou ne plus atteindre leur entendement. L’entretien thérapeutique conventionnel est alors pénible et improductif.
Ces patients restent en revanche souvent atteignables, accessibles au “lâcher-prise” et soignables à travers le registre “émotionnel”, en particulier, grâce aux thérapies psychocorporelles, psycho-émotionnelles (ou somatothérapie), la danse, le yoga, l’art-thérapie etc… et autres activités mobilisant le corps et/ou la sphère émotionnelle, en particulier le “massage de pleine conscience” qui les ramène dans la bulle d’éternité de l’instant présent / cf. https://www.spring-medicare.fr/…/massagedepleineconsci…/
Lire aussi l’article “COMPRENDRE L’EMBALLEMENT DU CERVEAU GAUCHE / COMBATTRE LE BURNOUT” / cf. https://medi-therapie.com/haut-potentiel-comprendre-et…/
Philippe Lamy
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