Horloge biologique, tolérance, harmonie et sérénité

Des rendez-vous à ne pas manquer

L’homme est un être éminemment social. Sa vie est ainsi marquée par ses rendez-vous, avec les autres. Ces rendez-vous  ont pour objet les échanges d’information, de compétences, de services, de biens de consommation (école, administrations, banques, bureaux, médecins, commerces etc.) et les échanges sociaux (repas familiaux quotidiens, dîners mondains, soirées, sports collectifs, concerts, manifestations, expositions etc.), sans oublier le commerce amoureux et le « don » de gamètes, du mâle humain, à sa (ou ses) femelle(s). L’ensemble de ces rendez-vous suppose l’adhésion générale à un rythme de vie, des horaires compatibles avec ces activités. Et, dans la société moderne occidentale, il est ainsi impossible d’occuper une place active sans référence à un comptage du temps universel et sans une gestion personnelle rigoureuse des horaires qui en découlent, pour les différentes activités du quotidien.

Le découpage du temps

Ce temps universel et son découpage en tranches sont inspirés (et imposés), à l’origine, par le cycle de rotation de la terre au sein du système solaire et par notre horloge biologique individuelle. Au quotidien, notre horloge biologique nous impose en effet, par exemple, des temps de repos (sommeil) et de ravitaillement (repas). Mais cette horloge biologique, quelle est-elle, en fait ?

Chez l’homme (comme chez l’ensemble des espèces vivantes) le bien être et le confort individuels sont – bien que nous n’en soyons pas toujours conscients – confondues avec la stratégie collective de développement de l’espèce. Ce que l’homme ressent comme bon (ou bon pour lui), n’est en fait que ce qui est bon (ou nécessaire) au développement de l’espèce. La recherche du bonheur et du bien être de chaque individu, ne se fond en réalité que dans le moule de ce qu’impose la nécessité de développement de l’espèce. Ainsi, nos goûts les plus personnels, nos pulsions les plus intimes ne font-ils de nous que les instruments  de la stratégie de développement de notre espèce. En effet, ce qui est gratifiant  ou agréable  pour l’individu se confond avec ce qui est favorable  ou salutaire  au développement de l’espèce. L’homme (comme les autres animaux) prend notamment plaisir à manger, dormir ou faire l’amour. Car, que demande l’espèce ? Que les tubes digestifs sur pattes que nous sommes, se nourrissent, prospèrent et se reproduisent aveuglément, à l’infini, le cas échéant, au détriment des espèces concurrentes. Ce qui stimule la qualité et la performance des individus survivants et du patrimoine génétique transmis (mais au détriment de la planète qui les porte, ce qui est moins « positif »). Ainsi toutes nos activités, qui servent cette finalité, génèrent-elles, chez nous, des émotions et des pulsions irrépressibles. Et sont ressenties par nous comme sources d’un plaisir activement recherché. Alors que nous ne faisons qu’abriter un équipement cognitif, nous permettant grâce à de complexes algorithmes, de développer les envies, les pulsions et les réactions que l’espèce attend de nous, pour nous nourrir, combattre, nous imposer, vaincre, prendre soin de nous (et parfois de notre progéniture et de notre tribu) et nous reproduire). Et le temps, dans tout ça ?

Le repère temps, c’est ce qui (associé au repère espace) rend possibles (et rythme) nos rencontres avec les autres (activités, détente, repas, amour), et la bonne gestion du temps est synonyme de réussite.

Le temps : un capital à gérer

Ce temps est un capital qui nous est offert à tous. Nous devons le gérer, en opérant des choix qui nous sont propres. De même qu’il nous est utile de savoir gérer notre argent pour éviter de toujours courir après un remboursement de crédit, un découvert bancaire, une fin de mois difficile, il nous est nécessaire de savoir gérer notre temps, pour ne pas être des victimes de la vie, d’inconsistantes coquilles de noix sur l’océan, pour ne pas rater nos trains, ni nos rendez-vous, sous peine de n’occuper qu’un strapontin, dans la société des hommes (ou de nous en faire exclure).

En matière d’argent, on parle de gaspillage. En matière de temps, on dit qu’on se disperse ou qu’on se laisse déborder, quand on le gaspille. S’agissant de nos activités quotidiennes – la journée n’ayant toujours que 24 heures – bien gérer son temps, c’est – de manière élémentaire – savoir :

  • Définir son projet de vie et ses priorités ;
  • Arrêter un choix d’activités projetées (formation, travail, sport, activités sociales, repos, repas, accompagnement d’enfants à différentes activités, etc.) servant ce projet de vie et ces priorités;
  • Fixer les plages horaires ou rendez-vous  alloués à chaque activité, de manière exigeante et rigoureuse ;
  • Ajuster, si nécessaire, et optimiser ce programme, en fonction des obligations des personnes concernées et/ou des membres de sa famille ;
  • Au quotidien, ne manquer aucun des rendez-vous  ou des activités, programmés à des heures précises, par souci d’éviter le gaspillage, pour soi-même, comme – le cas échéant – pour les personnes avec qui lesdits rendez-vous et/ou activités ont été programmés (ce qui est un des axes principaux de la politesse élémentaire) ;
  • Ne pas négliger, de manière irresponsable, les éventuelles confirmations de rendez-vous nécessaires et/ou vérifications d’horaires, les temps de transport, les aléas ou impondérables, le retard chronique des certaines personnes impliquées dans ces rendez-vous, les besoins vitaux de notre organisme (horloge biologique) et ainsi s’éviter tout stress inutile.

Cependant, le rythme quotidien de notre horloge biologique, est perturbé, en fonction d’un autre cycle, calé sur les saisons. Le cycle de révolution de la terre, sur elle-même, est de 24 heures et c’est ce qui définit le rythme de base, de notre horloge biologique. Le rythme des saisons, qui s’impose à nous, est calé sur une durée plus longue d’une année, ce qui a, bien sûr, une incidence directe sur nos activités, nos loisirs etc.

Le temps de la vie

Mais il existe encore une variable supplémentaire qui intervient, dans notre horloge biologique : le cycle de notre vie entière.

Les rythmes de vie d’un nourrisson, d’un enfant, d’un adolescent, d’un retraité ou d’un vieillard sont bien sûr différents. Mais ce qui diffère, ce n’est pas seulement que les activités et les horaires, chez les individus, en fonction des forces dont ils disposent, c’est surtout ce que l’espèce  attend de nous : des actions bien différentes, en fonction de notre âge. L’espèce place ainsi en nous des aspirations, des désirs et des pulsions en fonction de notre position temporelle dans notre cycle de vie.

Ce cycle-là, celui de la vie entière, n’est pas toujours compris et c’est la source d’un malentendu ancestral, bien connu sous le terme « conflit de générations ».

Ainsi, si nous voulons désamorcer les risques de conflit de générations avec les personnes qui nous sont chères, il faut intégrer le régime de vie auquel leur horloge biologique les astreint.

Concilier les rythmes des générations

A l’âge où la nécessité de développement de l’espèce pousse nos adolescents et nos jeunes à s’engager dans une fiévreuse activité sociale ne visant au final qu’à la recherche de partenaires sexuels, il est vain d’interdire ce qui ne peut être évité, et surtout ne doit pas l’être. Car on ne va pas contre la nature ! Les frictions parents/enfants (ou grands-parents/petits-enfants) sont alors garanties. Mais la compréhension des phénomènes biologiques qui s’imposent à nous, le respect mutuel (préalable à toute véritable relation d’amour) associés à une bonne dose de tolérance, de confiance et de bienveillance, devraient nous permettre de sortir la tête haute de ces confrontations !

Les vacances prises en commun seront malgré tout, le plus souvent, sources de crispations : Pourquoi ces enfants se couchent-ils à « point d’heure », pour gâcher ensuite, au lit, une bonne partie de la splendide journée du lendemain ?!!!  Si l’on ajoute, au besoin de faire la fête toute la nuit des ados, le rythme raccourci du cycle repos/activité des personnes âgées, on comprendra pourquoi le Grand-Père s’impatiente, lorsque le déjeuner et le dîner ne lui sont plus garantis à heure fixe ! Et ainsi, ces repères étant parfois décalés, il ne dispose plus d’une matinée normale (mais au contraire inconfortablement étirée), d’une véritable après-midi et, souvent même, de plus de soirée du tout, le coucher suivant directement la fin du dîner ! En outre (surtout pour les anciens  et pour beaucoup d’adultes) les repas familiaux sont un rendez-vous de convivialité  qui représente le principal, voire le seul, temps partagé, entre les générations, et, donc, le seul intérêt  de vacances communes, par exemple.

Le repas commun est un des premiers actes de création de lien, au niveau bien sûr du premier cercle de la famille, mais aussi dans les relations sociales et/ou diplomatiques. Ce n’est ainsi pas par hasard si le pain partagé est au cœur de la liturgie chrétienne, par exemple.

C’est ainsi ce que les plus jeunes, pour ce qui les concerne, auront à acter, dans une relation de respect, par rapport aux aînés, que ces dernier sont en effet, à la fois :

  • plus dépendants de ces rituels (notamment par tradition) ;
  • habituellement affectivement plus attachés à leur progéniture que celle-ci ne s’intéresse à eux (même s’il est de bon ton  de ne pas le formuler explicitement) ;
  • biologiquement dépendants d’un cycle activité-repas-repos, plus court, du fait de leur moindre résistance.

Les retards aux repas familiaux seront ainsi de véritables drames familiaux pour les plus anciens.

Les cycles de vie au sein du couple

Mais il est une cohabitation de cycles de vie différents parfois encore plus compliquée  (voire conflictuelle), c’est celle des conjoints, confrontés à un décalage de leur perte de libido (le temps de fertilité de l’homme étant plus allongé que celui de son épouse). L’aube de la cinquantaine, chez la femme, marque en effet une double rupture : celle du déclin de son activité hormonale et de son désir, ainsi que, par voie de conséquence, l’arrêt progressif de la sécrétion des phéromones, destinées à stimuler le désir du partenaire[1].

Mais l’homme est un animal cérébral « à part », chez qui le mental et le spirituel sont parfois capables de recoller les morceaux. Ainsi, de même manière que les petites filles jouent, dans leur prime enfance, la rencontre avec leur prince charmant, pour mieux s’y préparer, les couples mûrs savent-ils, heureusement, souvent entretenir, par de délicates attentions et un grand respect mutuel, une relation amoureuse riche et harmonieuse. Il est cependant nécessaire qu’ils aient su œuvrer (de longue date) à maintenir lesdites attentions et autres conditions nécessaires au maintient d’un attachement solide et profond, pour que ce cap leur épargne les possibles turbulences.

Enfin, l’âge mûr, voire le troisième âge, voient aussi de nouveaux vrais  couples (d’âge assorti ou non) se former, dont le désir ardent, allié à l’imagination romantique et romanesque, permet encore de belles histoires d’amour et/ou de sexe. Le dictat des phéromones n’est donc pas si hégémonique (la preuve en est, par exemple, l’attirance homosexuelle ou celle qui favorise la vente de poupées gonflables).

Malheur, cependant, aux hommes qui ne parviennent pas à dompter, le démon de midi et demi qui  plane sur les septuagénaires encore verts, et les pousse à des rencontres, souvent tarifées, où ils jettent leurs derniers feux et perdent parfois leurs derniers deniers, tournant le dos à leurs amis et jetant la discorde dans leur famille.

 

Un bon tempo commun

Apprivoiser le temps et apprendre à le gérer, c’est aussi se poser la question du tempo  de notre vie, versus  celui de ceux que nous aimons et souhaitons protéger. Tout au long de notre vie, si nous n’avons aucun mal à entendre les injonctions de notre horloge biologique, il nous faut aussi prêter attention à celle des êtres qui nous sont chers, si nous voulons – a minima  – mériter leur respect de notre propre rythme de vie. Ceci signifie, parfois, de poser – dans un débat explicite – les attentes mutuelles, et d’établir des compromis, par exemple concernant l’horaire des repas intergénérationnels (qui constituent souvent le seul véritable rendez-vous  familial entre les générations). Et surtout, lorsque ces horaires sont fixés, il convient de s’attacher à les respecter, car les parties qui devront attendre les autres prendront cette attente imposée comme un signe intolérable de mépris. Puisque ça les obligera à décaler leur propre programme (souvent minuté), voire à y renoncer, pour se plier au caprice aveugle des contrevenants. Au-delà de cela, les parents et grands-parents attentionnés,  soucieux du bonheur de leurs jeunes, devront rester attentifs à leurs états d’âmes et pouvoir toujours imaginer, par exemple, à quoi rêvent les jeunes filles.

De la même manière, il faudrait cesser de juger « contre-nature  », les pulsions des princes  (ou mâles dominants ) qui nous gouvernent, même s’il convient d’en brider les excès, lorsqu’ils portent atteinte à l’intégrité ou à la dignité d’autrui. On ne peut en effet ignorer que dans la société des hommes, comme dans le monde animal, il faut une bonne dose de testostérones, pour atteindre au statut de mâle dominant. Les gouvernants modernes en sont assez fréquemment une vivante illustration. Ces débordements sont, certes, tolérés, par les latins, en général, mais les ayatollahs de tout poil, y compris puritains intégristes américains, feignent de l’ignorer. Or les hautes fonctions des gouvernants sont rarement atteintes avant un âge avancé. Aussi le public est-il souvent d’autant plus surpris de leurs frasques qu’elles se produisent à un âge qu’on croirait celui de la sagesse et de la modération. Là encore, l’horloge biologique doit être considérée. Car les pulsions reproductrices ne laissent généralement pas les hommes actifs (et les hommes de pouvoir, en particulier) en répit, avant un âge avancé, voire jamais de leur vie.

C’est ainsi, grâce à une bonne compréhension de notre horloge biologique et de celle de ceux qui nous sont chers, et avec d’élémentaires soucis de respect mutuel et de tolérance, que nous parviendrons à l’harmonie familiale et sociale, nécessaire à la sérénité.

 

Philippe Lamy


[1] Les phéromones sont des substances chimiques émises par la plupart des animaux, agissant comme de véritables « messagers » entre les individus d’une même espèce. Les phéromones transmettent en effet, aux autres organismes, des informations qui jouent un rôle d’information (sur la disponibilité et la fécondité de l’émetteur), dans l’attraction et dans la stimulation sexuelle, en particulier, à l’égard des partenaires potentiels. Chez les mammifères, les phéromones sont détectées (chez lesdits partenaires potentiels) par l’organe voméro-nasal. Les phéromones sont comparables aux hormones. Mais, tandis que les hormones classiques (insuline, adrénaline, etc.) sont produites par les glandes endocrines et circulent uniquement à l’intérieur de l’organisme en participant à son métabolisme, les phéromones sont généralement produites par des glandes exocrines, ou sécrétées avec l’urine, et servent de messagers chimiques entre individus. Elles peuvent être volatiles (perçues par l’odorat), ou agir par contact (composés cuticulaires, perçues par les récepteurs gustatifs). Elles jouent un rôle primordial lors des périodes d’accouplement. Par ailleurs, on a longtemps pensé que l’organe voméro-nasal, très actif chez les animaux, ne fonctionnait pas chez l’homme ; Or, plusieurs études ont prouvé le contraire (en particulier chez les sujets « surdoués », généralement dotés d’une perception sensitive exacerbée, cf. Trop intelligent pour être heureux, l’adulte surdoué ?). On notera que les phéromones n’agissent pas comme un simple « message de disponibilité sexuelle », mais aussi (et peut-être surtout) comme un puissant aphrodisiaque, chez la personne (ou l’animal) accessible à ce message chimique. Nombre de mâles présentent ainsi une véritable dépendance et une addiction, à cette stimulation sexuelle et parcourent ainsi les lieux publics, la narine palpitante, à sa recherche et/ou reniflent avidement la lingerie féminine qui peut leur tomber sous la main. Au Japon (et peut-être ailleurs aussi), on trouve des trafics de sous-vêtements féminins souillés, sur Internet, censés renfermer des traces actives de cette précieuse substance (dont l’effet, sur le sujet réceptif, est souvent supérieur à celui de substances de type Viagra).


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