Simple bouderie… colère et violence

Clara fait la gueule

« – … Qu’est-ce qu’il y a, Clara, tu fais encore la gueule ?! J’en ai assez de tes mines de victime ! Marre de tes silences, de ta lassitude affectée… quand ce n’est pas de ton mépris affiché d’ado incomprise !

Paul s’éloigna, l’estomac tordu et la gorge serrée. Il ressentait en outre confusément le ridicule de ses rares vaines explosions. Il était de surcroît inquiet d’avoir aggravé son cas. Il ne savait comment « gérer » sa femme et ajuster sa propre posture quand elle se plaisait (semblait-il) à se fermer et à feindre d’être présente… sans être vraiment là. Pourquoi lui infligeait-elle ça ? Où voulait-elle en venir ? Que devait-il faire ?
La bouderie de Clara disait sa méchante humeur mais sonnait surtout comme un reproche, un reproche indistinct de ce que Paul avait dit ou fait… ou pire de ce qu’il était au plus profond de lui. La tristesse et la rage montaient en lui, avec un sentiment d’échec, de rejet, d’injustice, d’incompréhension… Il se sentait confusément sali, blessé et en insécurité… enfin, c’est ce qu’il aurait pensé s’il avait su mettre des mots sur son mal-être, mais sa colère contre lui-même et son impuissance à la rendre heureuse dominaient.
Comment retrouver la légèreté, la bienveillance, la connivence et la tendresse des regards et des baisers des premières jours ? Voici des mois que Clara était ailleurs, tour à tour cassante et inaccessible… Il avait à son tour tenté de bouder pendant des jours… sans même qu’elle parût le remarquer. 

Parfois il s’échauffait (ou mettait en scène sa colère d’ordinaire rentrée) et vidait son sac. Une fois même il l’avait saisie par les épaules, n’osant pas véritablement la secouer, avait à demi hurlé sa détresse, avant que des sanglots ne l’étranglent et ne viennent ainsi tour gâcher, l’obligeant à battre en retraite. Humiliation suprême, elle n’avait même pas haussé les épaules et avait attendu mutique que cet éclat cessât. Il avait alors désespéré de se trouver ridicule et impuissant… 

Il rendait souvent visite à ses parents, à la recherche de réconfort, mais arrivé chez eux, il renonçait à compromettre la quiétude du lieu par des confidences dont il sentait confusément le caractère puéril. Pouvait-on cependant parler d’échec ? Clara et lui avaient deux adorables marmots de 5 et 8 ans qui éclairaient sa vie… ». 

Que dit notre colère ?

La colère est parfois silencieuse et rentrée. On dit alors qu’on boude ou plus familièrement qu’on fait la gueule. Elle est parfois plus explosive, voire violente.

Que dit cette colère ? Comment réagissons-nous à celle de l’autre ? Qu’exprime une personne qui boude ? Si elle fait la gueule de manière ostentatoire, cela sonne comme un reproche. Si elle boude avec discrétion et de manière quasi-involontaire, cela exprime une souffrance contenue… mais c’est parfois plus grave.

La bouderie, la colère ou la violence expriment une attente insatisfaite vis-à-vis de l’autre, une rage contre une situation, contre le temps qu’il fait (ou le temps qui passe), contre l’autorité, la société, le gouvernement, la maladie, la malchance etc. mais cette rage exprime surtout une rage contre nous-mêmes qui sommes plus ou moins conscients :

  • de nos frustrations,
  • de notre insuffisance, de notre faiblesse ou de notre impuissance à les satisfaire…
  • du caractère excessif de nos attentes vis-à-vis de l’autre,
  • de notre manque de confiance en nous qui nous prive de l’énergie de nous arracher à une situation qui ne nous satisfait pas ;
  • de notre dépendance émotionnelle exagérée, 
  • de notre peur du rejet ou de l’abandon,
  • de notre insécurité émotionnelle (ou matérielle),
  • de notre dépendance matérielle vis-à-vis de l’entreprise qui nous fait vivre mais au sein de laquelle nous ne nous sentons ni reconnu.e.s, ni compris.es, ni épanoui.e.s ;
  • ou encore, par exemple, de notre précarité matérielle au sein de notre couple, dont l’éclatement nous coûterait cher et compromettrait notre confort de vie.

Notre colère exprime alors un reproche. Elle sonne comme une revendication voire une injonction. Il est plus facile à notre égo d’incriminer les autres (ou des facteurs extérieurs) que de nous avouer notre insuffisance à tenir notre rôle ou à dominer la situation et à retrouver notre place et la sérénité. Nous nous installons alors parfois dans une relation douloureuse (voire toxique) qui peut durer des lustres, des lustres de frustration et de violence plus ou moins larvée et mortifère ou chacun cultive le sentiment d’être la victime de l’autre (ou même un sauveur incompris).

Les violences faites aux femmes dans le couple (et plus rarement aux hommes) sont l’expression ultime du déni de la responsabilité que chacun a de son propre bonheur, comme de son malheur. Or :

  • Nos frustrations et nos attentes vis-à-vis de l’autre nous appartiennent mais ne lui sont aucunement opposables ;
  • Notre manque de confiance en nous, nous appartient comme il nous appartient de prendre soin de nous, de nos frustrations et de nos blessures d’enfant et d’entreprendre si nécessaire une thérapie ou une démarche de développement personnel (coaching) ;
  • Notre dépendance émotionnelle (exagérée) est un fardeau pour l’autre qui (consciemment ou non) l’asphyxie. Or comment imaginer que le couple se porte bien si l’un de ses membres est asphyxié ?
  • Notre peur du rejet ou de l’abandon sont des blessures d’enfant qui expliquent certains comportements possessifs mais ne sauraient les excuser ni les justifier ;
  • Notre insécurité émotionnelle ou matérielle est parfois difficile à gérer (comme différentes blessures le sont pour notre conjoint.e) mais c’est aux psy de nous aider à nous relever, de nous aider à nous faire confiance et à prendre soin de nous… et en aucun cas à celui ou celle que nous avons d’abord choisi.e pour le meilleur ;
  • Nous devons nous confronter à notre impuissance et en aucun cas condamner notre conjoint.e à pâtir de ses conséquences.

Prétendre aimer, c’est avant tout respecter l’autre, ses valeurs, ses croyances, ses blessures et développer son indépendance émotionnelle au sein du couple qu’on a choisi de bâtir… mais chacun pour soi lorsque nous échouons à développer une relation équilibrée, respectueuse et bienveillante.

Les violences physiques au sein du couple

Les violences physiques au sein du couple ne sont que la partie visible du caractère arbitraire et violent de toute colère, de toutes attente excessive que traduit la simple bouderie. Une gifle parait ainsi parfois impossible à retenir. Or, une gifle en amenant une autre, l’engrenage de la violence peut s’installer.

De même qu’on s’étonne que la Justice soit aussi impuissante vis-à-vis des individus « potentiellement dangereux » que représentent par exemple les « fichiers S » chaque fois que l’un d’eux frappe, ne devrait-on pas interroger nos propres violences rentrées ou celles que nous détectons autour de nous, bien en amont des féminicides que nous découvrons et dont le nombre sidère la population ? Une vision archaïque du couple qualifie de « querelles d’amoureux » – presque reconnues politiquement correctes – alors qu’elles ne sont que l’expression de nos tentatives de dominer l’autre, de lui imposer nos valeurs, nos croyances (voire notre prétendue autorité)… tout en comptant sur lui pour prendre soin de nos blessures et satisfaire nos frustrations. Il nous est en effet difficile de reconnaître le fait que l’autre ne nous appartient pas et qu nous n’avons aucune autorité sur lui/elle, pas plus morale que physique.

Erich Fromm, sociologue et psychanalyste américain (mort en 1980), écrivait dans l’Art d’Aimer (paru en 1957) que le creuset du véritable amour est l’amour fraternel ; c’est-à-dire un amour débarrassé des poisons qui gangrènent l’amour conjugal que sont en particulier : le sentiment de propriété, le reproche, la jalousie, le mensonge et la culpabilité.

Les candidats à la vie commune sont portés par les hormones du bonheur et ne veulent pas voir les écueils du couple, mais ils auraient grand profit à se poser pour établir un contrat clair ou une charte de bonnes conduites, fondé sur les valeurs et croyances qu’il partagent et sur leur projet de vie et ses modalités.

Philippe Lamy

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