« Deviens ce que tu es »
Cette phrase de Pindare (en grec ancien Πίνδαρος / Píndaros, né à Cynocéphales, Béotie, en 518, mort à Argos en 438 av. J.-C., il est l’un des plus célèbres poètes lyriques grecs) ressemble à un paradoxe, mais elle est réalité riche de sens.
Devenir ce qu’on est en germe
Il n’est pas de représentation théâtrale, dont un auteur n’ait pas écrit les dialogues et la mise en scène et dont les acteurs n’aient pas étudié et répété les scènes de longue date. De même manière, il n’est pas de grande réussite (politique, sociale, professionnelle, humaine), qui n’ait été obtenue sans vision, sans stratégie, sans préparation acharnée et sans planification de longue date. Or cette vision et cette planification de l’atteinte d’un objectif ambitieux ne sont possibles qu’à ceux qui possèdent en eux le potentiel de sa réalisation et donc cette réussite en germe.
Les anciens disaient : « Il n’est de vent favorable que pour le marin qui sait où il veut aller et sait maintenir le bon cap« . Or, l’opportunisme et l’improvisation ne constituent pas un cap. Ainsi, seul réussit celui qui a la vision de son potentiel, la vision de sa mission ou de son projet, celui qui s’en sent capable et se donne les moyens de parvenir à ses fins. On peut ainsi dire que celui qui réussit, possédait, en lui-même, le germe, de cette réussite. On peut également dire que, celui qui a réussi, était – déjà tout petit – celui qui allait réussir.
Ce potentiel, malheureusement, nous ne l’exploitons pas toujours, par manque de vision, et surtout par manque de confiance en soi… Et nombre de destins ne se réalisent jamais, par négligence, paresse ou parce qu’on n’a pas fait la rencontre décisive, avec celui ou celle qui secouera notre torpeur et notre routine, nous encouragera ; nous aidant ainsi à nous révéler à nous-même et au monde.
Cultiver ce qui est grand, beau et noble
Comment parvenir à identifier, en nous, ce considérable potentiel et comment parvenir à optimiser ce que nous sommes, dans notre espace de liberté individuelle ? Le père Mickaël, moine orthodoxe rencontré à Paris en 2008, me dit un jour : « Tu es éparpillé. Tu dois ramasser les morceaux de ton âme éparse, pour devenir ce que tu veux être et que tu es déjà, sans le savoir. Pour cela, dresse une liste de tout ce qui est beau, grand et noble, en toi. Et dresses-en une autre de tout ce qui est laid, mesquin, honteux, en toi. Et, chaque jour, attache-toi à développer ce qui est beau, grand et noble et à renoncer, combattre, éradiquer ce qui est petit, laid, mesquin, honteux, en toi. Et deviens ce que tu es ».
« Deviens ce que tu es » est un appel à chacun de nous pour rechercher, au fond de lui, le meilleur, le beau, le grand et savoir l’exalter.
« Connais-toi toi-même »
Comme le note Michel Onfray dans son séminaire sur la « physiologie d’Épicure » : comment devenir ce que l’on est déjà ? Selon Aristote, c’est une « aporie » ou une question qui place le lecteur ou l’auditeur dans l’embarras pour le pousser à résoudre une apparente contradiction entre des propositions.
« Connais-toi, toi même, et tu connaîtras l’Univers et les dieux », selon la formule gravée sur le fronton du temple de Delphes, reprise par la suite par Socrate. Cela n’est pas si simple car nous avons plutôt tendance à nous positionner comme observateur extérieur. De ce point de vue il est plus facile d’observer l’ensemble du reste de l’Univers que de commencer par soi-même.
Le « connais-toi, toi même » (en grec ancien Γνῶθι σεαυτόν / gnōthi seautón ) entre en contradiction avec une approche de la Science qui considère que l’observateur doit être distinct de l’observé. Mais nous savons qu’il existe des cas de figure où l’observateur ne peut pas être séparé de l’observé. C’est le cas par exemple pour la mécanique quantique où la mesure est liée également à l’observateur, mais c’est aussi le cas à chaque fois que nous voulons parler du monde, dont nous faisons parti.
Descartes indique qu’il faut choisir entre se changer soi-même et changer le monde. Épicure pour sa part a choisi : il faut commencer par se changer soi-même. Mais comment changer, améliorer, adapter ce que l’on ne connait pas ? Ce chemin de la découverte de soi-même est parfois long et chaotique. Il nous sera ainsi rarement donné de le parcourir seul.
Reconnaître ceux et celles qui éclaireront notre chemin
Dans cette quête, le sage hindou (du XIIIème siècle) Anhou, nous donne une clef, pour nous permettre de reconnaître celles et ceux (hommes ou femmes de bien et de paix) qui éclaireront de leur vision et de leur bienveillance notre chemin initiatique, vers nous-mêmes…
« Méfie-toi des faux prophètes, des diseurs de malheur et des porteurs de mauvaises nouvelles, de reproches ou de menaces. Ils apportent le trouble à ton âme et le doute. Et ce doute est l’instrument de leur toute puissance. Car ils n’ont d’autre ambition que de te faire courber l’échine, pour t’exploiter, te voler ou t’écraser et t’éloigner de ton propre destin, pour t’asservir au leur. Mais ouvre ton cœur aux hommes et aux femmes de bien, de paix et de bonne volonté. Ils te montreront la route vers toi-même. La peur, les épreuves, la souffrance, la timidité, une trop faible estime de toi-même ont pu te faire courber les épaules et verrouiller tes chakras. Ainsi renfermé(e) et méfiant(e), tu ne programmes plus que la répétition d’une vie terne (voire douloureuse) et de l’échec. Et tu ne sais plus voir la main tendue et le sourire de l’homme de paix. Et tu ne sais plus voir la force qui est en toi.
Mais redresse-toi ! Ouvre-toi !
Tu dois savoir reconnaître ces femmes et ces hommes de paix qui te guideront vers toi-même. Leur visage pourra être hideux et leur habit pitoyable, mais, si leur verbe est joyeux, noble et vrai, sache ouvrir ton cœur à la musique de leurs paroles. Si tu es prêt(e) à accueillir leur verbe et leur main tendue vers toi, leur énergie irradiera ton âme et décuplera tes forces. L’homme ou la femme de paix se reconnait à la douceur de ses paroles, à la beauté éclatante de ton propre visage, dans le miroir de ses yeux et à la visible confiance qu’il place en toi. L’homme de paix ne te juge pas. Il t’aime comme tu es. Il ne te demandera pas de changer et ne critiquera pas tes faiblesses et tes craintes. Son ton n’est jamais emporté et son regard te couvrira de sa bienveillance. Sache alors être réceptif(ve) au don de sa présence et à la bienveillance dont il t’enveloppera. Ouvre-toi à sa parole et fais le don, à ton âme, de la sérénité qu’il t’offre. Et suis la route qu’il te révèle, vers la réalisation de ce que tu es déjà au plus profond de toi.
L’homme de paix véritable ne demande rien. Il n’attend rien de toi, en échange de la béatitude et de la toute puissance qu’il t’apporte.
Ainsi, ne calcule pas, ne sois pas avare de ton écoute, de ton sourire et de ton amour avec l’homme (ou la femme) de paix véritable que le destin aura placé sur tes pas, car ils te seront rendus au centuple. Tu découvriras alors que la confiance et l’abandon sont un don du ciel. Alors que la méfiance te conduisait à l’abîme.
Ouvre tes chakras et l’homme (ou la femme) de paix t’apprendra à abandonner les certitudes et les croyances qui avaient forgé cette carapace, dont les épreuves t’avaient paré(e). Il (ou elle) t’apportera la gloire intérieure et la maîtrise de toi-même. Tu seras alors, à ton tour, un homme (ou une femme) de paix. Tu auras accompli ton destin : être enfin ce que tu étais jusque là « en devenir « , tu auras accouché de toi-même. Cette voie est longue et difficile, car plus tu progresseras en sagesse, plus tu mesureras que la voie est ardue et le but lointain.
Mais prends garde : le visage de l’homme de paix, que le destin aura placé sur ta route, est parfois banal et son habit modeste. Mais si son verbe est joyeux, noble et vrai, sache reconnaître l’homme de paix qui vient à ta rencontre. Car les hommes (et les femmes) de paix sont rares et tu pourrais passer ton chemin, sans t’abreuver à leur source et à leur lumière. Tu retomberais alors dans les ténèbres. Tu perdrais alors la vision de ton chemin, vers ton destin », concluait le sage Anhou.
De multiples rencontres
A notre époque de zapping, peut-être est-il irréaliste d’espérer rencontrer les maîtres spirituels dont nous aurions besoin, en toute chose et en tout temps, sur notre route initiatique vers nous même. Et, en toute franchise, me concernant, ce visage de l’homme de paix (ou de l’homme de bien) – dont je me suis attaché à suivre les pas – est multiple. J’ai en effet eu la chance précieuse de croiser – dès ma tendre enfance, puis plus tard au fil de ma carrière d’homme – plusieurs très différentes personnalités rayonnantes, qui m’ont guidé, dans des domaines variés, éclairant mon chemin. Peut-être serai-je un jour à-même de raconter ces riches rencontres, ainsi que la lumière, les perspectives et le cap, qu’elles ont offerts à ma vie.
Pour illustrer mon propos, je citerai seulement ici l’une des plus récentes qui me vient à l’esprit, celle de M. Ismaël – guérisseur africain – évoquée sur ce même blog (cf. Monsieur Ismaël et le Ki-Golo (médecine traditionnelle africaine)). Il s’agissait d’un homme droit et bon. M. Ismaël est, pour moi, un sage et un philosophe, en paix avec lui-même, comme avec les autres.
Ses plus beaux cadeaux, sont, pour moi, de m’avoir appris :
- à reconnaître l’inestimable prix de l’instant présent (qui est une coupe que la vie ne nous représentera pas une seconde fois, si l’on dédaigne d’y baigner les lèvres) ;
- que tout individu doit pouvoir s’accepter et à se sentir légitime dans ses choix ; ce qui suppose de se rappeler, en toute circonstance, que ce que l’on s’autorise à penser, on doit pouvoir aussi s’autoriser à l’exprimer et/ou à le faire ; Ceci peut d’ailleurs représenter une sorte de coming out intellectuel inconfortable (certains articles de ce blog, dans lesquels je révèle mes expériences personnelles et/ou convictions du moment en sont une illustration) ;
- que « tout est vrai… et son contraire également ». Et que les certitudes nous enferment et nous asservissent. Car, en toute matière, il y a ma vérité, celle de l’autre… et aussi une réalité objective, souvent bien différente. Le litige, en effet, résulte le plus souvent d’une incapacité des parties à accéder à la vision de l’autre, à sa construction du réel (malentendu) ou à sa vérite (cf. Médiation judiciaire et conventionnelle, en matière civile / Notions élémentaires, limites et perspectives). Pour Maël, nos vérités doivent nous ouvrir des horizons et non nous fermer les portes, de notre chemin vers nous-mêmes. Maël aurait sans doute souscrit à l’affirmation de Nietzsche, selon laquelle : « Ce n’est pas le doute qui rend fou, mais les certitudes » ;
- à ne pas juger et/ou s’indigner trop vite. Pour Maël, celui qui s’indigne manque parfois lui-même à la plus élémentaire dignité ! Car, seul celui qui n’a pas le moindre péché, la moindre petitesse en son cœur, est fondé à juger. Maël aurait parfaitement adhéré, s’il l’avait connue, à cette citation de Térence : « Homo sum, humani nihil a me alienum puto » (je suis humain et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ).
- et enfin à s’attacher au quotidien à savoir identifier, écouter, exprimer, respecter ses besoins personnels, tout en s’attachant à encourager et aider ses proches à faire de même pour eux, dans la plus grande exigence de respect mutuel. Or, trop souvent, le respect de l’autre nous incite à taire, voire étouffer nos besoins; ce qui est une manière de mensonge. Et mentir, même par omission ou pour un bon motif, est le plus grand manque de respect pour l’autre, mais surtout pour soi-même, car c’est une manière de pas se reconnaître légitime dans ses propres besoins, dans sa propre essence. Avancer masqué (syndrome du caméléon) est une suprême injure envers soi-même qui peut conduire à la folie, par le renoncement à soi-même.
Recourir à une thérapie adaptée pour s’ouvrir au cadeau de la vie
Mais devenir ce que nous sommes ne passe pas toujours par la rencontre improbable, avec une personnalité exceptionnelle, disposant – à la fois – des qualités humaines les plus hautes et – à la fois – de la disponibilité nécessaire à notre égard. Certains pourraient passer une vie à attendre leur messie qui n’arrivera finalement jamais. Mieux vaut, dans la véritable urgence qu’il y a souvent, à régler un problème personnel et /ou relationnel douloureux, recourir à une thérapie adaptée ; cela ne nous rendra que plus ouverts et réceptifs au cadeau de la vie que pourront constituer les belles rencontres que le destin placera sur notre chemin.
M
Philippe Lamy
Thérapeute de la relation et du couple, Sexothérapeute, Médiateur diplômé, de l’Institut de Psychologie de l’Université Lyon II (2000)
Coach adhérent de l’European Mentoring and Coaching Council (EMCC France et EMCC International) n°23124, appliquant la charte déontologique https://www.emccfrance.org/deontologie-coach-mentors/
FTSP Thérapie Sexuelle Positive (Dr. Iv Psalti) / Accréditation Ordre des Psychologues du Québec (R401425-15 et RA01424-15) et SPF Santé Publique Belgique (SR-NR : 2-42932116)
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