Douloureux adultère
L’adultère, dans notre société moderne hétéronormée, patriarcale et monogame est courant mais reste souvent un drame… qui touche à un moment ou à un autre la plupart des couples.
Une véritable statistique est difficile à établir sur les seules déclarations plus ou moins fiables des personnes interrogées. On peut cependant estimer à moins de 12% les couples qui ne seraient pas touchés par l’adultère.
Pour éclairer la scène, on sait déjà qu’environ la moitié des unions volent en éclats après quelques années et il est rare que l’adultère ne soit pas au centre de la crise qui amène à la rupture.
On estime par ailleurs que les couples qui durent ont une certaine philosophie et une remarquable résilience aux différents aléas de la vie et qu’ils sont ainsi capables de surmonter la cohorte de poisons qui accompagnent généralement l’adultère (sentiment de propriété, reproches, mensonge, culpabilité, jalousie, sentiment de trahison…). Il est ainsi difficile de savoir combien, parmi les couples qui durent, s’en sortent sans jamais avoir été confrontés à l’adultère.
Dans ma propre patientèle, sans prétendre disposer d’un échantillon statistique suffisant et sans certitude d’un traitement scientifique des informations (et secrets) qu’il m’a été donné d’entendre, je peux dire que rares sont les couples qui n’ont jamais connu de près ou de loin (et de manière répétée ou non) l’adultère.
Mais il est vrai que les couples qui ne connaissent aucun orage (de même que ceux qui estiment ne pas avoir besoin de consulter) ne fréquentent pas les thérapeutes.
Pour certains d’ailleurs, l’adultère est une manière de béquille qui maintient le couple…
Témoignage d’Aude V. :
« Je suis mariée depuis 12 ans à Bruno. Au début c’était un homme joyeux, bienveillant, léger et tendre… Mais au fil des deux premières années, tout a changé : De graves difficultés professionnelles, l’arrivée de notre premier enfant et le décès de ma belle-mère sont la toile de fond du malentendu qui allait se nouer entre nous.
Bruno au chômage depuis plus d’un an était atteint dans son orgueil et sa virilité. Il ne parlait plus et s’enfermait des heures au sous-sol de notre pavillon où il avait établi une sorte de bureau. Il y passa en particulier tout l’hiver emmitouflé devant son Mac, dans le froid et les relents de notre chaudière à mazout. Il remontait les yeux rouges et souvent terrassé par la migraine. Il ne me parlait pas de ses démarches, mais je crois qu’il finissait par ne plus croire s’en sortir un jour. Il ne parlait d’ailleurs de rien, pas même de mon ventre qui s’arrondissait et de et espoir de vie que je portais désormais seule. La précarité matérielle s’installait et nous commencions à tomber de notre nuage.
La naissance d’Enzo m’a plongée dans une grande joie. Bruno qui avait auparavant tant désiré cet enfant s’y intéressa bien sûr, mais l’étau financier se resserra chaque mois un peu davantage et peu après la naissance de notre enfant, le peu d’amour que nous avions encore la force de donner se recentra sur lui.
Désireuse de contribuer davantage aux ressources du ménage, je m’engageai à fond dans la vente de compléments alimentaires en ligne, en liaison avec une entreprise des Pays-Bas à travers les réseaux sociaux. J’y déployai une grande énergie, mais n’obtins que de faibles résultats pour lesquels Bruno me moqua. Mon congé de maternité pris fin et je repris mon vrai travail. J’avais la mort dans l’âme de devoir laisser Enzo en nourrice moins de trois mois après sa naissance.
Je n’arrivais plus à trouver en Bruno le sourire, la légèreté et la bienveillance de l’homme que j’aimais Notre complicité et notre tendresse disparurent ainsi tout à fait. Un sentiment de solitude et de désespoir m’envahit. J’avais à peine 25 ans et ma vie paraissait finie. Je me trouvais laide, rejetée, abandonnée. Ainsi, après plusieurs mois de ce sentiment de rejet et d’abandon, j’ai craqué et j’ai trompé Bruno…
Adultère
Je ne dirai rien de Chad que je croisai dans le RER, alors que j’étais à mille lieux d’imaginer avoir un jour une aventure extraconjugale. Assis face à face, nous lisions le même livre. Il m’en fit la remarque et cela me fit sourire. Nous nous aperçûmes quelques fois de nouveau dans le métro, puis un jour, j’acceptai le café qu’il me proposait.
J’aurai finalement peu connu Chad, un jeune américain étudiant à Paris. Je dois cependant à Chad de m’avoir – en quelques semaines seulement – redonné l’impression d’être vivante et désirable… Chad paraissait amoureux de moi, mais il comprenait la situation et n’exigeait rien. Cette relation avec Chad aurait pu me tenir la tête hors de l’eau quelque temps, si j’avais su la garder secrète… Elle aurait aussi préservé son innocence à mes yeux.
Mais le sort en a disposé autrement et Bruno est tombé sur un SMS explicite de Chad. Le pot aux roses était découvert. Ce fut un séisme pour nous et pour nos familles qui en furent prises à témoin. Ma belle-mère vint me voir et, avec calme, gravité et sans jugement apparent, me demanda quelles étaient mes intentions. J’eus du mal à comprendre cette question car, jusque-là, pas un instant l’idée que je puisse renoncer à Bruno (l’amour de ma vie) et à mon enfant ne m’avait effleurée. Je ne voyais alors la parenthèse Chad que comme un « pas de côté » qui m’avait sauvée in extremis du burn-out.
L’interrogatoire de ma belle-mère aurait pu me placer face à un choix inhumain (pour la jeune femme idéaliste et soucieuse de fidélité à ses engagements que j’étais) mais à l’époque je n’avais qu’un seul désir : retrouver l’amour de mon mari et reprendre la construction de notre couple, interrompue par ledit grain de sable qui l’avait éloigné de sa trajectoire. Ma belle-mère qui connaissait la vie me comprit, se contenta de mes pleurs et de mes serments et tenta de convaincre son fils de reprendre la vie ordinaire. Je ne revis pas Chad qui disparut silencieusement. Je ne me rappelle même pas avoir eu la moindre explication avec lui. Je me consacrai ainsi toute entière à tenter de reconquérir l’amour de Bruno. Mais, à vrai dire, je pense n’y être jamais parvenue et ma vie s’est écoulée à tenter d’expier ce premier faux-pas.
Bruno est un taiseux et nous eûmes peu d’explications. Il était dépassé par le sentiment d’avoir été trahi par son employeur d’abord qui l’avait viré (sur un malentendu disait-il) deux ans plus tôt, puis par sa femme qui l’achevait, alors qu’il avait déjà un genou à terre. Sa recherche d’emploi le retint ainsi encore un peu davantage au sous-sol de notre pavillon et l’occupa tout à fait. Plusieurs mois passèrent avant qu’il ne décroche enfin un job. Nous retrouvâmes ainsi un certain confort matériel ; ce qui aurait dû alléger la chape de plomb qui pesait sur la famille depuis des mois, mais Bruno ne me parlait plus, ne me regardait plus… mais sans ostentation. J’étais devenue un meuble, un accessoire. Il répondait parfois à mes questions sur un ton neutre… ou ne répondait pas. Il se déplaçait souvent en province et je restais ainsi seule parfois plusieurs soirs par semaine.
Deux ans après le psychodrame de l’adultère, la naissance de Lilly aurait pu marquer un nouveau départ… mais c’est l’inverse qui se passa. Nous nous sommes enfermés dans nos postures et rôles respectifs. La mort imprévisible et prématurée de la mère de Bruno fut pour lui un tsunami. Elle représentait son modèle de mère, d’épouse et de femme. Il était dévasté, abandonné et se sentait sans doute trahi (une nouvelle fois). J’appréciais ma belle-mère qui, sans être chaleureuse ni démonstrative, avait toujours été juste et correcte à mon endroit, y compris depuis ce fameux « adultère ». Sa mort me plongea également dans une grande tristesse… d’autant plus que j’imaginais devoir désormais assumer seule tous ses rôles, notamment auprès de la jeune sœur de Bruno encore étudiante.
Malgré mes efforts et ma bonne volonté, je compris vite que je n’égalerais jamais l’idéal féminin que représentait ma belle-mère pour son fils ni ce rôle de mère juive que j’allais devoir assumer auprès de toute sa famille.
En cette période, Bruno devint plus exigeant et agressif, sans toutefois – Dieu merci – en venir à la violence physique.
Traversée du désert
Sans considération, sans échanges, sans tendresse ni caresses, j’ai douloureusement « cuvé » ma punition de nombreuses années. Ma disgrâce était aggravée de la multiple peine de devoir être à la fois la paria qui avait trahi, une maman et une maîtresse de maison présentables et aussi une Wonder Woman au bureau… et tout ça sans soutien ni reconnaissance. Ainsi, au fil des années, mon amour éperdu (et sans doute trop exigeant) pour Bruno se transforma en un indigeste brouet mêlé de haine. Nous n’avions plus que de rares relations amoureuses (souvent quand il rentrait de voyage). Cela se passait en silence et dans le noir.
Prisonnière de cette situation (pensais-je) je me laissai convaincre que j’étais une mauvaise personne (comme il le croyait lui-même) et je perdis toute estime de moi. La dureté de Bruno me paraissait cependant excessive, je voulus ainsi tenter de ramener notre couple sur une voie plus constructive et lui proposai une médiation conjugale. Il l’accepta, mais je compris bientôt qu’il n’avait aucun désir de reconstruire quoi que ce soit (ou alors ça ne se voyait pas) et qu’il n’avait vu dans ces entretiens que l’occasion d’étaler sa douleur de ma trahison et me faire entendre la mauvaise personne que j’étais. Il se posait en victime et j’étais son bourreau.
Il n’avait plus confiance en moi (et en nous), mais il ne l’exprimait pas vraiment. Il revenait en boucle sur cette trahison du début et sur sa souffrance, comme un disque rayé. Pour autant il ne proposait rien pour l’avenir, comme si sa douleur était trop forte. Et moi, je me voyais m’enfermer dans une sorte de purgatoire sans doute destiné à me faire expier ma faute originelle.
Il était d’ailleurs de plus en plus mutique. Ainsi, pendant des années, j’ai pensé que le problème c’était lui, sa froideur, son jugement, son dégoût affiché de moi et son intransigeance… Dans la détresse où j’étais, et n’attendant plus grand-chose de la médiation conjugale, j’entrepris une thérapie. Or au fil de celle-ci je découvris que le problème ce n’était pas lui comme je l’avais toujours cru, mais que c’était surtout la relation que nous vivions et dans laquelle j’avais une grande part de responsabilité. Je poursuivis ma thérapie de mon côté sans renoncer à tout faire pour tenter de réparer mon couple. Médiations ou thérapies de couples (avec plusieurs praticiens successifs) alternaient, s’interrompaient tout à fait, puis repartait parfois après plusieurs années d’arrêt. Devant l’échec de ces démarches le doute s’installa, mon amour s’éroda et je me persuadai que la seule issue était la séparation.
Un vent de pardon… et d’indépendance
Pour mille raisons, cependant, je ne me suis jamais résolue à quitter Bruno. La principale est que je conserve un sentiment d’attachement, de tendresse et d’amour envers Bruno. Ce sentiment ne disparaît jamais tout à fait malgré mon exaspération et ma déception de ne pas parvenir à raviver le sien. Oui, une chose reste évidente pour moi, c’est que je reste attachée à lui et je crois pouvoir encore dire que je l’aime… au point de souffrir dans ma chair de ce qui peut lui faire mal, au point de mendier ses sourires, au point d’aimer marcher avec lui, main dans la main et parfois le serrer contre moi.
En outre, depuis quelques mois (notamment en travaillant avec vous) je prends conscience que le problème, ce n’est bien sûr pas lui seul, ni véritablement la relation (c’est-à-dire personne), mais plutôt moi qui ai seule la responsabilité de mon propre malheur, si ce n’est de notre échec amoureux… ou tout au moins la plus grande part à cet échec. Je comprends enfin que chacun est responsable de son propre bonheur, comme de son malheur et que pour moi le véritable équilibre ne peut désormais se trouver que dans une relative indépendance émotionnelle.
C’est donc à moi de cesser d’accepter implicitement de me sentir sa chose, d’imaginer avoir des comptes à lui rendre. C’est moi qui suis pétrie de remord et de culpabilité quand j’arrange la vérité pour échapper à différentes explications pénibles, sur mes sorties, mes amitiés… Oui, le problème c’est surtout moi ! Moi qui, au fil des années, suis passée du remord et de la rancune, au doute et au désamour, puis à une douloureuse soumission…
Maintenant que j’ai compris que le problème c’est moi, je suis portée par une véritable colère contre moi… malheureusement teintée d’un sentiment d’impuissance.
Voici dix ans que mon mari a commencé à ne plus me toucher et à se dérober à mes caresses, s’enfermant dans un mutisme boudeur, dont il ne sort que pour me faire des reproches et des critiques. Dix ans qu’il me fait toujours plus ou moins la gueule (mais que signifie faire la gueule / cf. article illustrant l’expression « faire plus la gueule »). Et je ne parviens pas à comprendre pourquoi je m’interdit de couper le cordon et de vivre ma vie loin du foyer conjugal. Ma lâcheté, ma veulerie, ma dépendance émotionnelle, m’ont longtemps interdit d’identifier mes besoins (sociaux, émotionnels et sexuels), de les afficher et de les satisfaire, alors même que j’ai compris que Bruno ne m’aimerait – quoiqu’il en soit – jamais comme avant. Et surtout que l’amour d’un seul homme ne pourrait désormais plus suffire à panser mes blessures (blessures d’enfant et blessures de femme rejetée) ni à remplir mon besoin d’interactions émotionnelles, intellectuelles et sexuelles.
Je m’accorde ainsi désormais quelques aventures extraconjugales, condamnées à une clandestinité peu satisfaisante pour mes partenaires et, de ce fait, éphémères. Bruno ne veut pas qu’on en parle. Il sait que je tente de temps à autre de satisfaire mes besoins émotionnels et sensuels en dehors de chez moi, mais il ne veut rien entendre de précis. Ce qu’il pense au plus profond de lui et ce qui l’anime restera pour moi un mystère. Il me parait parfois chercher à se rassurer à travers différentes questions (sur mes sorties, mes contacts sociaux ou professionnels) auxquelles il est implicitement convenu que je puisse répondre de manière vague. Mais moi, je hais cette hypocrisie, je me sens salie par cette clandestinité. Que dois-je faire ?
Dans l’idéal – étant donné que je ne pense plus savoir raviver sa flamme ni pouvoir être la femme d’un seul homme – j’aimerais me sentir plus libre, plus indifférente à sa souffrance, à son humeur, à son regard, mais j’ai encore du chemin à faire pour ça. En attendant et dans le meilleur des cas, je me sens face à lui, comme une jeune veuve qui désire refaire sa vie, mais dont la jalousie de son fils de huit ans lui interdit toute sortie et absence prolongée. Et parfois au contraire (et dans le pire des cas), je me sens comme une petite fille sous l’emprise d’un père veuf autoritaire qui l’étouffe et la tient prisonnière.
J’ai bien sûr conscience que les liens qui me retiennent ne sont que ceux que je veux reconnaitre et préserver, mais assumer ma pleine responsabilité dans l’échec de mon couple m’amène à une plus grande bienveillance à l’égard de Bruno, à un regain d’amour… Sans doute suis-je dans un certain déni, mais j’aimerais redevenir la meilleure amie de Bruno, sa confidente et son âme sœur pour la vie… même si j’ai conscience que c’est hors du couple que je devrai désormais rechercher la récompense et l’ivresse du désir masculin, le bonheur d’y succomber et de le combler, la complicité émotionnelle et intellectuelle et surtout la bienveillance et l’accueil inconditionnels de qui je suis et de ce que je suis.
Je suis assidument les publications de Christine Lewicki sur LinkedIn et je note ce récent post : « … la culture de l’effort, de la culpabilité et du sacrifice est bien présente chez les femmes que j’accompagne ! Je trouve que l’on associe beaucoup le plaisir et la distraction au mal, au fait que cela n’amène à rien, ni nulle part ! Alors que souvent notre créativité se révèle dans des moments off, dans des moments où l’on peut se connecter plus profondément à soi et écouter ses ressentis… ». Et cette pensée m’aide à tenir le chemin qui se dessine devant moi d’une plus grande liberté de penser… et surtout d’être.
Il n’est pas douteux que pour des personnes hypersensibles comme Aude, il est difficile de tirer les conséquences d’une très ancienne « erreur de casting » et de zapper vers un nouveau conjoint comme le font aujourd’hui la majorité des couples insatisfaits d’une première union. Mais Aude est une personne philo-cognitive (ou HPi) pour qui l’empathie, l’attachement et le sens de l’engagement à vie interdisent tout changement de partenaire… et ce parfois même lorsqu’il en irait de leur santé mentale. Le polyamour, l’amour libre ou même le libertinage leur offre ainsi le moyen de rester avec l’homme qui les fait souffrir, tout en rechargeant leur batteries auprès d’autres partenaires (hommes ou femmes souvent d’ailleurs), moins avares d’amour, plus compréhensifs, plus généreux de compliments et d’attentions, plus sensuels et surtout plus léger. Il est en effet bien sûr plus aisé d’accéder à la légèreté lorsqu’on n’a pas dix ans de contentieux derrière soi !
Aude a ainsi cheminé à son rythme dans la souffrance et les frustrations avant de découvrir une vision plus libre du couple et d’accéder à une amour fraternel universel et inconditionnel que prône Erich Fromm dans l’Art d’aimer.
Philippe Lamy
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Ne partez pas sans avoir pris contact avec Philippe Lamy, coach, thérapeute de la relation (à la ville au travail et dans le couple), sexothérapeute et art-thérapeute.
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