Caresses, massage et neurosciences…
Le massage, toucher bienveillant ou les caresses sont des signes de tendresse ou d’attention portés à l’autre. Le premier contact au monde d’un petit mammifère et notamment d’un petit d’Homme, est celui du toucher bienveillant et des caresses de sa mère.
Les bienfaits thérapeutiques des caresses sont connus de tous… et les graves carences que leur manque peut occasionner le sont tout autant.
D’inhumaines expériences, menées dans des orphelinats de l’ancien bloc de l’Est, montrent en effet les ravages psychologiques, sur une population de jeunes individus, de l’absence volontaire de tout toucher peau à peau et de toute caresse, depuis l’âge du biberon jusqu’à l’adolescence.
Comment la science explique-t-elle cela ?
Notre peau n’est pas seulement l’enveloppe de notre corps. Elle est aussi l’organe du toucher. Elle contient des millions de capteurs sensitifs. Une récente étude publiée dans Cell Reports nomme ces capteurs piézoélectriques : protéine Piezo1.
Ces capteurs identifient, décryptent et interprètent, à la fois, ce qui nous touche, entre en contact avec notre épiderme et ce que nous touchons. Puis ils transmettent au cerveau les informations nécessaires à nous protéger des agressions (piqûres, chaleur, froid, humidité etc.) et à guider certaines de nos actions.
Au dire de l’enseignant-chercheur Laurent Misery de l’Université Bretagne Occidentale (Laboratoire de Neurosciences de Brest), la peau est un organe aussi sensible et performant que l’œil.
Lorsque la peau est caressée, les messages qu’elle envoie portent sur l’intensité, le sens, la profondeur, la localisation, la température et les caractéristiques du contact.
Les récepteurs de notre épiderme sont alors stimulés, de telle manière qu’on pourrait dire qu’elle occasionne une transmission d’énergie qui recharge nos batteries.
Le contact peau à peau provoque en effet dans le cerveau la sécrétion des neurotransmetteurs et notamment des hormones liées au plaisir :
- les endomorphines qui calment, apaisent, adoucissent et plongent dans un état euphorique ;
- l’ocytocine, dite « hormone de l’attachement », qui nous lie durablement aux autres ;
- la dopamine, qui donne de l’énergie et régule l’humeur ;
- la sérotonine, également impliquée dans la gestion des humeurs et associée à l’état de bonheur.
Ce cocktail contribue à notre bien-être et alimente un cercle vertueux qui contribue notamment :
- à une diminution du stress,
- au développement de l’empathie,
- à une augmentation de la confiance,
- au renforcement de l’attachement,
- à la croissance de l’affection réciproque
Nous avons tous besoin de câlins, de tendresse et de manifestations bienveillantes pour survivre, pour fonctionner et pour grandir. Car les câlins et autres contacts affectueux développent le cerveau des enfants et font notamment mûrir le cortex préfrontal, zone essentielle du cerveau.
Perte de libido et souffrance
Au cours de mes consultations en sexothérapie et autres médiations familiales, j’ai pu observer l’immense souffrance et le gâchis que représente parfois la perte de libido d’un des conjoints, pour l’autre, ou bien une situation de conflit larvé au sein du couple qui ferme la porte au rapprochement des corps.
On est ainsi étonné, lors des séances de thérapie de groupe, de voir avec quelle simplicité et quelle ferveur, les participants acceptent de se prendre les uns les autres dans les bras, parfois pendant plusieurs longues minutes, manifestant leur besoin de bienveillance de toucher et d’amour.
Toucher et plaisir sensuel
Elaine Chapman du Département de physiologie de l’École de réadaptation de l’Université de Montréal (Centre de recherche en sciences neurologiques) affirme même que des terminaisons nerveuses de l’épiderme sont spécialisées dans le plaisir. Elles se situent dans les zones duveteuses, autour des follicules pileux : le dos, les avant-bras… Elles sont nommées fibres C tactiles.
Ces fibres s’activent dans de légers mouvements à rebrousse-poil.
Leurs capteurs sont sensibles à la plus ou moins grande rapidité et à la plus ou moins grande pression du toucher. Ils envoient des signaux électriques au cerveau qui sont réceptionnés par l’insula, région cérébrale spécialisée dans les émotions, qui diffuse ensuite le plaisir… si le cerveau contrôlant accepte de s’ouvrir au plaisir.
Les conditions idéales pour qu’une caresse procure du plaisir sont nombreuses et les plus déterminantes sont psychologiques / cf. Plaisir sensuel lâcher-prise et pleine conscience.
Au plan strictement technique et si les bonnes conditions psychologiques sont réunies : La pression de la main doit être modérée. La vitesse ne doit être ni trop rapide ni trop lente (environ 2,5 centimètres par seconde) et la température de la main qui caresse doit avoisiner 32 degrés.
Mais attention la pression ou la rapidité du massage ne doivent pas être trop uniformes, car il y a un risque de monotonie et de prévisibilité peu favorable à la montée du désir… préalable nécessaire au plaisir / cf. Massage « tribo sense ».
En phase finale (préorgasmique) la pression, la rapidité et la lubrification des zones érogènes stimulées doivent au contraire être régulières et prendre en compte le tempo respiratoire du sujet massé et son accélération finale.
Le Ki-golo, outil thérapeutique traditionnel africain
Monsieur Ismaël – guérisseur traditionnel sénégalais qui fut un de mes premiers maîtres en thérapie – me dit un jour : « Quand je suis arrivée en France à 19 ans, j’ai été étonné de voir à quel point le toucher et les caresses étaient diabolisés. Je suis d’une lignée de guérisseurs qui massent et caressent les corps et les âmes en peine. Et je n’arrive pas à comprendre que pour soigner un corps qui souffre on pense d’abord aux piqûres avant de penser aux caresses. Que fait une maman qui voit son enfant pleurer ? ».
Le Ki-golo que pratiquait Monsieur Ismaël repose sur la douceur et une forme d’enveloppement protecteur. Il avait comme des yeux au bout des doigts. Il enveloppait les personnes de ses immenses mains protectrices, mais n’utilisait pas toujours ces mélanges d’huile d’argan (ou de beurre de karité) et d’huiles essentielles dont il avait le secret.
Il se posait un long moment, immobile, au côté du patient allongé (il disait « la personne » car il n’employait ni le terme de client, ni celui de patient). Il déployait ses deux mains bien à plat sur la nuque et le coccyx de la personne. Puis attendait que les souffles des deux protagonistes soient apaisés et alignés. Il était alors comme en communion avec elle et sentait ce que son corps en souffrance demandait. Il l’apaisait alors par de lents mouvements d’enveloppement, parfois accompagnés de mots rassurants. Il lui communiquait ainsi son amour, son énergie et apportait la paix à son âme et à son corps. Il pratiquait notamment la « caresse de l’âme« , comme il se plaisait à la nomme.
Parfois il ne massait pas ou peu et l’échange était de nature plutôt verbale (comme une psychothérapie moderne). Parfois au contraire il parlait peu et touchait seulement la personne.
Son approche s’apparentait à ce qu’on appelle aujourd’hui la psychosomatothérapie, voire une certaine médecine intégrative. Monsieur Ismaël disait soigner le corps par l’esprit et l’esprit par le corps / cf. : Médecine traditionnelle africaine.
Voir aussi : Quelques autres réflexions sur la sexologie…
Philippe Lamy
Médiateur diplômé, de l’Institut de Psychologie de l’Université Lyon II (2000)
Coach adhérent de l’European Mentoring and Coaching Council (EMCC France et EMCC International) n°23124, appliquant la charte déontologique https://www.emccfrance.org/deontologie-coach-mentors/
Thérapie de couple / sexologie
Formé en 2017-2018 / FTSP Thérapie Sexuelle Positive (par la Dr. Iv Psalti / Accréditation Ordre des Psychologues du Québec (R401425-15 et RA01424-15) et SPF Santé Publique Belgique (SR-NR : 2-42932116)